SAINTE-BARBE, patronne des sapeurs
« Puissance du feu »
SAINTE-BARBE ou Barbara, dite « la Grande Martyre« , est née en 235 sous l’empereur romain Maximin 1er près de Nicomédie capitale de la Bithynie en Asie mineure (aujourd’hui Izmit en Turquie).
Barbe est la fille du très riche et voluptueux Dioscore, païen jaloux et tyrannique. Vers l’an 250 celui-ci, part en voyage d’affaires. Il enferme Barbe dans une tour à deux étroites fenêtres afin « de soustraire sa resplendissante beauté aux assiduités de quelques jeunes seigneurs« . D’autant que Dioscore destine sa fille à un riche et influent personnage de la haute société romaine.
A son retour, Dioscore retrouve Barbe convertie au christianisme. Le grand théologien Origène a prodigué son enseignement et lui a ouvert l’esprit sur le Christ. Baptisée, elle a fait percer une troisième fenêtre dans le mur de la tour pour honorer la Sainte Trinité et faire entrer sa « Lumière ».
Furieux, Dioscore met le feu à la tour. Barbe réussit à s’enfuir, mais un berger découvre son refuge au creux des rochers d’une montagne proche et avertit son père. Désespérant de vaincre sa résistance, bien qu’elle n’eût que seize ans, Dioscore la traduit devant le cruel Marcien, gouverneur romain de la Bithynie. Celui-ci, échouant à la convaincre, commande qu’elle soit « dépouillée, meurtrie à coups de nerfs de bœuf, déchirée et brûlée avec des ongles de fer rougis, à avoir les mamelles coupées et à être ignominieusement promenée nue à travers la ville de Nicomédie« .
Rien n’y fait, et devant la constance de Barbe, Dioscore requiert finalement contre elle un arrêt de mort. Il s’offre pour être lui-même le bourreau. Et son bras cruel tranche la tête de Barbe.
C’est alors que s’en retournant triomphant à la Cour, fier de son zèle à servir les idoles de l’Etat et se voyant désormais réhabilité, Dioscore est « par le ciel, frappé d’un soudain et violent coup de foudre qui met son corps en cendres et précipite son âme maudite dans le fond des enfers pour enrager avec les démons« .
Ainsi, par ce geste, Barbe était révélée » Puissance du feu « . Sainte-Barbe est fêtée le 4 décembre.
Des Empereurs byzantins à l’Arme du génie
Dès le IVe siècle, le culte de la martyre fut florissant et le corps de Barbe, sainte vénérée par les empereurs byzantins, sera exhumé solennellement, ses reliques transportées à Constantinople et en divers pays, notamment à Kiev et, par les Vénitiens, en Italie.
Aussi était-il naturel que, dès l’apparition de la poudre en Europe au XIVe siècle, Sainte-Barbe soit invoquée par tous ceux maniant les nouveaux, dangereux (et imprévisibles…) engins, pouvant donc trouver une mort subite par le feu (salpêtriers, bombardiers, canonniers, arquebusiers, …). Ils honorèrent la sainte, la choisirent comme patronne et, de son effigie, illustrèrent leurs bannières et étendards. Sainte-Barbe est généralement représentée une palme de martyr à la main. Une tour à trois fenêtres, un éclair, constituent les attributs habituels de la sainte. Elle peut porter une couronne, un livre, une épée, tenir une plume de paon symbole d’éternité, ou fouler à ses pieds son père persécuteur.
Barbe incarne l’image d’une personne qui veut connaître, étudier, apprendre, et qui reste fidèle à ses convictions, ses valeurs et ses engagements.
Le culte porté à Sainte-Barbe n’a jamais cessé.
Elle fut honorée par de nombreux gens de guerre tels Jean, Duc de Calabre, en 1449 arrivant à Metz, ou en 1472 le Duc Nicolas de Lorraine de retour du siège de Rouen. Avant 1917 et la révolution russe, de nombreux soldats de l’Armée impériale portaient une petite icône de Sainte-Barbe.
Du 14 au 18e siècle on dénombre plus de 260 hymnes en latin en son honneur.
Sainte-Barbe est représentée dans de nombreux tableaux et fresques de célèbres peintres des 15 et 16e siècles tels Cosimo Rosselli, Hans Memling, Jan van Eyck, Lucas Cranach l’Ancien, Robert Campin, Lorenzo Lotto (ci-dessous son « Histoire de Sainte-Barbe » -1524-, partie droite de la fresque de l’Oratorio Suardi à Trescore – Italie-) …
Peintures murales, vitraux, statues représentant la Sainte se découvrent dans d’innombrables églises et chapelles de France, notamment en pays miniers puisqu’elle est aussi la Sainte-Patronne des Mineurs de fond.
La statue ou l’image de Sainte-Barbe est présente sur de nombreux chantiers où l’on manie les explosifs, où l’on s’expose au feu, tels les Artificiers dont la corporation honore la Sainte.
Elle figure donc à l’entrée des tunnels en construction, des carrières, des souterrains… On note par exemple que lors de la construction du tunnel ferroviaire sous la Manche (1988-1994), les travaux n’étaient interrompus qu’un seul jour par an, le 4 décembre, afin de célébrer la fête de Sainte-Barbe. Plus tard en 2009, le chantier du musée Louvre-Lens, situé sur l’ancien carreau de la fosse 9 des mines de Lens, fut inauguré par le Ministre de la culture le jour de la Sainte-Barbe, en présence d’anciens mineurs.
Les Pompiers (Sapeurs et Marins Pompiers, militaires et civils) ont également pour patronne Sainte-Barbe.
A noter que les Pompiers militaires ont vu le jour en 1810. En effet, en février de cette année, un garde du palais de Saint-Cloud, en surchauffant un poêle, met le feu au salon d’un appartement de Napoléon 1er. Bien que le feu soit rapidement éteint, l’Empereur, qui est présent cette nuit-là, décide de créer pour toutes les résidences impériales, une garde de nuit composée de Sapeurs du Génie, qui deviendra la Compagnie de Sapeurs du Génie de la Garde Impériale. Et c’est à la suite de l’incendie du 1er juillet 1810 à l’ambassade d’Autriche à Paris, causant la mort de nombreux convives, que l’Empereur décide de remplacer le corps des gardes-pompes municipaux par un bataillon du Génie créé par décret impérial du 18 septembre 1811 : le Bataillon de Sapeurs-Pompiers de Paris.
C’est également à la suite d’une tragédie, le 28 octobre 1938, que le Bataillon de Marins-Pompiers de Marseille est créé. En effet, suite à un feu important dans un grand magasin de la cité phocéenne (Les Nouvelles Galeries), et face à la désorganisation des services municipaux, il est fait appel à la Compagnie de Marins- Pompiers de la Base navale de Toulon qui dépêche 32 hommes et 6 engins spécialisés. Mais à leur arrivée Les Nouvelles Galeries sont déjà entièrement détruites, soixante- treize victimes sont à déplorer, et le feu s’est propagé aux immeubles voisins. Cependant le détachement militaire toulonnais va combattre avec succès le feu qui avait gagné l’hôtel Noailles où étaient logés des membres du gouvernement français. En effet, ce jour-là à Marseille, se tenait au parc Chanot le congrès du parti Radical en présence d’Edouard Daladier, président du Conseil. Neuf mois plus tard, c’est un décret-loi du 29 juillet 1939 qui donnera naissance au Bataillon de Marins- Pompiers de Marseille.
Par ailleurs sur un plan général, la Marine nationale fait référence à notre Patronne, car depuis la marine à voile, la soute à munitions des navires est traditionnellement nommée « Sainte-Barbe ».
Les siècles ont passé, la tradition persiste.
C’est ainsi que chaque année, les Sapeurs célèbrent leur sainte patronne Sainte- Barbe, qui est aussi celle des Artilleurs, des personnels du Service des Essences des Armées, et des élèves de l’Ecole Polytechnique.
L’Ecole Polytechnique honore en effet Sainte-Barbe afin de marquer sa filiation avec la prestigieuse « Ecole Royale du Génie de Mézières » créée en 1748 sous Louis XV, sur proposition de Nicolas de Chastillon, commandant de la citadelle de Charleville dans les Ardennes. L’école est implantée sur la rive de la Meuse.
A noter que la filiation avec « Mézières » est célébrée aussi par l’école du Génie américain, l’ « US Army Corps of Engineers (USACE) » dont la devise « Essayons » est en français dans le texte. Cette école a, en effet, été fondée et organisée en 1778 par des officiers français du Corps Royal du Génie issus de « Mézières », leur chef de file étant le Lieutenant-colonel Le Bègue du Portail. Cet officier deviendra le premier commandant en chef de la nouvelle arme du génie américain.
Notons également pour l’histoire que c’est sous la Révolution en 1794 que l’ « Ecole Centrale des Travaux Publics », nommée l’année suivante « Ecole Polytechnique », est créée. Quatre personnages en sont à l’origine : Jacques-Elie Lamblardie, Directeur de l’Ecole des Ponts et Chaussées, et Gaspard Monge, Lazare Carnot, Claude-Antoine Prieur-Duvernois, tous trois anciens de l’Ecole Royale du Génie de Mézières. Gaspard Monge, concepteur de la géométrie descriptive, s’inspirant des méthodes de « Mézières », organise l’enseignement de l’Ecole Polytechnique dont le Grand uniforme noir et rouge rappelle encore aujourd’hui les couleurs du Génie. Dès 1794, la vocation de l’Ecole est de former des ingénieurs pour le Génie, les Ponts et Chaussées, le Service Géographique et le Service Hydrographique. En outre, l’Artillerie devient en 1795 un débouché supplémentaire pour les élèves.
En 1802 sur décision de Bonaparte, l’Ecole du Génie de Mézières, qui avait été fermée en 1794 puis recréée immédiatement à Metz, fusionne avec l’Ecole d’Artillerie. Elle devient « l’École d’Application de l’Artillerie et du Génie » (longtemps appelée « Ecole de Mézières ») et constitue la principale école d’application de l’École Polytechnique, dont la devise est « Pour la Patrie, les sciences et la gloire » et dont l’insigne (ci-dessus) marie les symboles du Génie (la cuirasse et le pot en tête) et de l’Artillerie (les canons croisés).
C’est en 1912 que, la formation du Génie redevient distincte de celle de l’Artillerie, les deux « armes savantes » retrouvant leur propre école et leur autonomie.
« Et par Sainte-Barbe, Vive la Sape ! »
Ainsi l’Ecole du Génie, aujourd’hui à Angers, toutes les unités du Génie et les associations d’Anciens Sapeurs maintiennent la grande tradition de Sainte-Barbe, les discours solennels se clôturant par cette acclamation » Et par Sainte-Barbe, Vive la Sape ! «